Des radars à pénétration de sol et des récepteurs GNSS submétriques aident les archéologues suédois à localiser d’anciens monastères ensevelis depuis des siècles. Ce faisant, ils redéfinissent l’histoire locale.
Une brève introduction à la longue histoire des monastères de Suède
Les plus anciennes églises de Suède datent de près de 1000 ans et furent construites à la suite d’initiatives privées. Le premier couvent fut érigé en 1110, et en 1500, juste avant la réforme, il y en avait 11 au total. Les premiers monastères de moines sont apparus en 1143.
L’importance historique des églises suédoises a été bien documentée au fil des ans. Les services de culte qui se déroulaient à l’intérieur de leurs murs étaient stricts et les prêtes qui en étaient responsables étaient investis d’un grand pouvoir.
« Si vous n’alliez pas à l’église, vous étiez punis », nous dit Christer Andersson, historien et archéologue suédois. « Là où j’habite, au début des années 1700, une femme qui n’allait pas à l’église le dimanche a dû comparaître en cour! »
(Au tribunal, la femme a expliqué qu’elle ne comprenait tout simplement pas la nouvelle langue, résultat de la conquête par les danois du territoire où elle vivait en 1658.)
Les premiers bâtiments, et les plus importants, à être érigés étaient souvent des monastères
Les monastères étaient souvent les premiers bâtiments, et les plus importants, à être construits dans les communautés suédoises. Pourtant, avec les années, que ce soit dû à des changements d’origine naturelle ou humaine, certains monastères ont été complètement ensevelis.
Certains villages ont un panneau indiquant l’emplacement où le monastère devrait s’être trouvé. Mais ces jours-ci, comme le découvrent les archéologues comme Andersson, ces panneaux s’avèrent parfois erronés.
Alors que les suédois s’intéressent davantage aux monastères, qui étaient si important dans leur histoire, ils ont commencé à se demander : Où était situé le monastère dont ils ont tant entendu parler? C’est ici que les professionnels comme Andersson entrent en jeu.
Mais où exactement se trouvent ces monastères aujourd’hui?
« C’est ce qui importe », nous dit Andersson. « Ils veulent connaître l’emplacement exact où se trouvait le monastère, de même que sa taille et son apparence. »
La principale tâche d’Andersson et de sa compagnie Åsklosterprojektet est de trouver les monastères.
Andersson doit prendre en considération une autre chose importante. : Il existe de nombreux documents historiques intéressants, datant de centaines d’années, de l’époque même des monastères. Ces documents détaillent des éléments importants à propos des monastères, tels que des tombes et autres artefacts. Andersson doit tenir compte de tout ça lorsqu’il travaille.
À propos des archéologues : Des astronomes qui regardent vers le bas
Christer Andersson est un radioastronome.
« Plutôt que de regarder vers le haut », nous dit-il, « je regarde maintenant vers le bas. »
Après sa retraite de son emploi à plein temps à l’Observatoire spatial d’Onsala, Andersson a commencé une nouvelle carrière dans la recherche de monastères. Tout a commencé avec Åskloster, un monastère cistercien situé à 14 km au nord de Varberg, sur la côte ouest de la Suède. Le monastère d’Åskloster a été construit en 1194 et s’y est dressé pendant près de 350 ans.
« C’est ici qu’a débuté notre recherche d’églises et monastères cachés », déclare Andersson.
« Un de mes amis et moi-même étions intéressés à trouver l’emplacement du monastère, comme nous ne croyions pas à la validité du panneau d’indication trouvé sur le site. »
Anderson et son ami ont reçu du financement d’organisations intéressées par l’histoire de la communauté, puis se sont mis au travail. En raison de l’expérience d’Andersson à l’observatoire, où il a eu à travailler avec des instruments électroniques de pointe, il a été jugé compétant pour le projet, et a gagné la confiance des organisations qui le finançaient. C’était important car les géoradars peuvent être dispendieux.
« Comme avoir recours à des services de topographie par radar peut être très coûteux, nous avons demandé de faire les relevés nous-même. » mentionne Andersson. « Pour cela et en raison de leur intérêt marqué d’en apprendre plus à propos d’Åskloster, les fondations m’ont financé. »
Le but d’Andersson était de trouver des parties du monastère, telles que des murs ensevelis, dont on avait perdu la trace. Ces murs pourraient offrir des indices sur la structure exacte et l’histoire de l’ancien monastère.
« Nous pouvons aussi faire le relevé par géoradar d’une ancienne église qui a été démolie afin qu’une plus grande soit construite », a déclaré Andersson. « De nos jours, il se peut qu’il soit seulement possible de dire ‘‘quelque part par ici, il y avait une église.’’ Mais en trouvant les murs grâce à un relevé par géoradar, je peux dire où ils se trouvaient et à quoi ils ressemblaient. Je peux aussi dire s’ils ont été reconstruits. »
À propos de la technologie : Qu’utiliser pour trouver des murs de monastère ensevelis?
Andersson a commencé par diviser sa zone archéologique en grilles. La grille est composée de lignes parallèles qui, dans un exemple, pourraient être à environ 20 cm l’une de l’autre, le long d’un rectangle qui peut être de 30 m de long par 20 m de large.
Andersson va parcourir la grille en utilisant divers appareils spécifiques conçus pour lui permettre de « voir » ce qui se trouve sous la surface de la Terre, et de saisir les coordonnées de ce qu’il découvre.
« Lorsqu’une impulsion du radar frappe quelque chose qui n’est pas de la terre, disons une pierre, elle rebondit. Comme nous savons à quelle vitesse l’onde électromagnétique pénètre dans le sol, il nous est facile de deviner à quelle profondeur est un objet. »
— Christer Andersson, historien et archéologue suédois, Åsklosterprojektet
Pour « voir » sous la surface de la Terre, Andersson parcourt la grille en envoyant des impulsions du radar à pénétration de sol (RPS). Andersson a obtenu son RPS auprès de la compagnie suédoise Geoscanners AB. Les mesures du RPS sont déclenchées par un télémètre électronique connecté à une roue, poussée par Andersson. Les impulsions du RPS pénètrent le sol à chaque centimètre et à une profondeur d’environ trois mètres. Ce qui signifie qu’Andersson peut parcourir la grille et produire une suite d’impulsion d’ondes pour un volume, dans ce cas, de 30 mètres de long sur 20 mètres de large sur trois mètres de profondeur.
Andersson dit de s’imaginer l’impulsion radar comme une corde attachée à un mur. Si vous tirez sur la corde d’un coup sec, une onde sera émise vers le mur jusqu’à ce qu’elle le heurte puis qu’elle rebondisse.
« Lorsqu’une impulsion du radar frappe quelque chose qui n’est pas de la terre, disons une pierre, elle rebondit, » nous dit Andersson. « Comme nous savons à quelle vitesse l’onde électromagnétique pénètre dans le sol, il nous est facile de deviner à quelle profondeur se trouve un objet. »
De retour au bureau, Andersson utilise un logiciel d’imagerie 3D pour visualiser les données qu’il a collecté avec le RPS. Le logiciel, Reflexw, permet à Anderson de « couper » numériquement des tranches 3D de la Terre et de déterminer différentes textures sous la surface de la Terre. Ainsi, sans même avoir à creuser le sol, Andersson peut donner un aperçu de ce qu’ils pourraient trouver sous la surface, ainsi que de l’évolution de la structure au fil des ans.
« Je peux voir ce qui s’est passé au cours des siècles, parce que nous savons comment ç’aurait dû être au départ », dit Andersson
Andersson peut nous donner un aperçu de ce qu’il y a sous le sol, mais pour diriger les personnes qui conduisent les fouilles au bon endroit, il doit géoréférencer ses données.
« C’est important de savoir exactement à quel endroit nous avons fait le relevé », dit-il. « Je prends donc les localisations des quatre coins du relevé. »
C’est ici qu’Andersson devait avoir accès à la localisation de haute précision sur le terrain. Andersson a fait des recherches sur les récepteurs GNSS et a décidé d’utiliser le récepteur submétrique Arrow 100.
« Le Arrow 100 est un petit récepteur GPS muni d’une petite antenne, il était facile de se déplacer sur le terrain, et j’obtenais les résultats dont j’avais besoin », nous dit Andersson. « Je l’ai choisi en raison des données techniques avancés qu’il fournit et pour son prix. »
Andersson a utilisé la précision de 60 cm d’origine du Arrow 100 avec EGNOS (service de correction différentielle SBAS européen gratuit). Bien que les archéologues nécessitent une précision centimétrique pour les fouilles, Andersson n’avait besoin que d’une précision submétrique pour sa phase de travail. En trouvant seulement les coins d’un bâtiment enfouis à l’aide du GPS, Andersson peut fournir à l’équipe qui conduit les fouilles tout ce dont elle a besoin pour déterrer les structures historiques.
« Si vous avez une précision de 60 cm, alors les archéologues ne peuvent manquer un mur de pierre », dit-il. « Alors c’est parfait, je donne aux personnes qui conduisent les fouilles ce repère, et ils peuvent déterrer les murs. »
Avant de sortir le Arrow 100 sur le terrain, Andersson l’a apporté à l’observatoire spatial d’Onsala. À l’observatoire, Andersson a identifié des points connus et a testé la précision du Arrow. « Et il a passé le test! »
« Le Arrow 100 est un petit récepteur GPS muni d’une petite antenne, il était facile de se déplacer sur le terrain, et j’obtenais les résultats dont j’avais besoin. Je l’ai choisi en raison des données techniques avancés qu’il fournit et pour son prix. »
— Christer Andersson, historien et archéologue suédois, Åsklosterprojektet
Le Mystère du Monastère de Marstrand
Déjà reconnu pour ses travaux de recherche de reliques enfouies, Andersson a reçu une demande du Musée Bohusläns en 2014 pour localiser le monastère de Marstrand.
« Il y avait de rumeurs selon lesquelles l’église de Marstrand était en fait le monastère et que les bâtiments du monastère se trouvaient dans l’enceinte de l’église », nous dit Andersson. « Déjà en 1746, c’était mentionné dans certains écrits. Mais plus tard, il y a eu de l’incertitude quant à l’emplacement du monastère. Je m’y suis intéressé. »
Qu’était le monastère de Marstrand?
Au début du 13e siècle, une entreprise de pêche florissante faisait la renommée de la ville côtière de Marstrand. Le hareng y était abondant et les navires en provenance et à destination de la Norvège se faisaient un devoir de s’y arrêter.
Avant la fin du siècle, les moines franciscains avaient construit un monastère. Dans une lettre datant de 1291, le Pape Nicolas IV mentionnait un monastère à Marstrand comptant au moins 13 moines, à l’endroit où se trouve aujourd’hui un cimetière verdoyant.
Le monastère de Marstrand aurait eu des murs de pierre d’environ 1,6 mètre (soit environ 5 pieds) de large, et possiblement deux étages construits en bois.
Lorsque le musée Bohusläns a fait appel à Andersson pour localiser le monastère, l’on croyait que la structure était dans le cimetière de Marstrand. En effet, il n’y avait pas de tombes dans la partie sud du cimetière, ce qui laissait croire que quelque chose avait empêché les tombes d’y être creusées.
« Mais personne n’en avait la certitude », nous dit Andersson. C’est donc à cet endroit qu’Andersson a concentré ses recherches.
Les résultats : Résoudre le mystère de Marstrand… et plus
L’on comprend mieux aujourd’hui où se trouvait le monastère de Marstrand. Andersson et son équipe ont découvert, dans la partie sud du cimetière, une structure qui était vraisemblablement la partie sud du monastère, où les moines auraient eu leur salle à manger.
D’après les découvertes d’Andersson, cette partie du monastère de Marstrand a été fouillée en 2017. Les personnes qui ont conduit les fouilles ont aussi découvert une partie d’un vitrail datant de la période allant de 1350 à 1525, décorée de lis français et d’algues.
Depuis qu’il a commencé à découvrir des églises en 2009, Andersson a conduit les gens qui conduisaient les fouilles et les historiens à l’emplacement exact d’une douzaine de structures enfouies, notamment :
- Monastère de Marstrand
- Monastère de Riseberga
- Monastère d’Askeby
- Ancienne église de Släp
- Église de Fogdö
- Ancienne église de Frillesås
- Hellerup – propriété mentionnée dans les années 1300
- Monastère Dragsmark
- Ancienne église de Torup
- Wallen – propriété connue depuis les années 1300
- Kronohyttan – endroit où il y a eu une explosion et où les canons étaient coulés dans les années 1600
- Bofors – terrain d’essai pour canons entre 1880 et 1920, recherché pour sa fondation qui aurait été utilisée pour tester des canons cachés sous terre.
- Aranäs – ville détruite par le roi de Norvège Håkon Håkonsson en 1256; cependant, un relevé ayant comme but de trouver Aranäs n’a donné aucun résultat positif.
Andersson estime qu’il reste beaucoup de structures à trouver, et espère que celles-ci puissent mener à la découverte d’autres vestiges historiques tout en mettant en lumière le passé de la Suède.
« Là où il y a des monastères, il y a souvent beaucoup plus à découvrir », nous dit Andersson. « Des étangs, des endroits pour pêcher, des canaux, et plusieurs autres choses. Åskloster était à l’époque le plus grand bâtiment du comté. »
Jusqu’ici les communautés locales ont été réceptives à son travail.
« Tout ça est pour les gens qui habitent ici et qui s’y intéressent », a déclaré Andersson.
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